Ce doit être ça l’amour

Ce doit être ça l’amour 
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants N°166

Oui, ce qu’en effet Fidéline Dujeu, dans Angie, approche par tous les chemins possibles et appelle de tous ses vœux pour ses personnages mais aussi pour chacun d’entre nous qui s’y prête bien volontiers.
A commencer par la fin du récit, sans déflorer l’essentiel de l’histoire, il me semble indispensable de citer complètement le passage, dont j’ai extrait un fragment en guise de titre, et de poursuivre ainsi :
« La peur mêlée au désir, ce doit être ça l’amour.
Celui qu’elles m’ont enseigné.
Aimer jusqu’au bout même si au bout, il y a la mort, la haine et la destruction. Prendre ce risque. »
Pourquoi la fin et non le début dont j’aurais pu citer au moins ceci – « T’écrire. », une des paroles liminaires qui donnent un sens au discours qui va suivre, soit la seule façon de s’exprimer et la nécessité de s’adresser à quelqu’un(e), proférées en une fois ? Parce que la fin est dans le début ou l’inverse. C’est en effet le besoin de trouver ou de retrouver l’amour, de se le figurer, de l’affronter aussi qui motive ce chant qu’est le récit tout entier. Ce besoin qui habite un enfant d’abord, meurtri, blessé, atteint par la mort déjà, même si ce n’est pas la sienne, mais aussi par la vie qui est encore là, amoindrie, en l’absence du son, du bruit, de la joie qui pépie, si ce n’est vaguement devinée par le truchement d’appareils dont il se sépare aussi souvent que possible, parce que la vie elle-même n’est pas audible. Et pourtant d’une mère disparue une autre a surgi, bien plus présente, plus prégnante par exemple qu’un père s’éloignant à vive allure. Elle, Angie, et tout l’univers féminin qu’elle convoque à sa suite, peut tout : donner, refuser, chanter, étreindre, agresser et jusqu’à se volatiliser. Il faut bien cela pour favoriser le besoin impérieux de devenir un homme qui s’empare de Sylvain, dont nous allons suivre alors le parcours initiatique.
Ange ou démon, qu’elle qu’en soit l’empreinte qu’Angie, la bien nommée tout de même, ait laissée sur ce petit qu’elle a chéri, perdu et gagné à la fois, et qui est devenu un homme, elle aura pour toujours la voix chaleureuse de ces chanteuses de blues qui se donnent sans compter.
Un récit vibrant, palpitant de toutes ces sensibilités : celle d’un enfant, sourd ou plutôt assourdi d’émotion et qui retrouve le bonheur avec une acuité extrême ; celle de femmes, en elles et entre elles, si belles et mystérieuses dans leur façon de vivre l’amour ou d’en mourir.